Ce matin, les arbres se sont habités d’enfants. Postés sur leurs branches, ils pouvaient observer les préparatifs du départ. Ils étaient cinq dans le champ : deux juments, un âne, un homme et une femme. Quand Juliette a sorti les brosses, les enfants ont sauté dans le champ. De petits nuages de poussière se sont échappés des croupes et crinières. Ils chassaient les nuages qui obscurcissaient le ciel. Des volutes de lumière sont venues caresser les feuilles et les boucles de cheveux. Sur le dos de l’âne, les sacoches s’alourdissaient doucement, un peu à droite, un peu à gauche. Et les pas des enfants se faisaient légers pour suivre celui des chevaux. Ils se sont éloignés lentement, entre les roches généreuses de la forêt de Saou. Sur le chemin, le tronc de ce peuplier portant les années, se déployant dans toute sa splendeur. Il y a des arbres qui viennent à votre rencontre, vous prendre par le coeur, avec autant de force que le regard d’une jument. On s’est dit au revoir en entonnant le chant de la transhumance. A mardi à Marignac! Nous y serons toustes, sauf le vieux peuplier. Pendant qu’il continuera son long travail d’enracinement, nous ferons le plein d’histoires à venir raconter à l’ombre de sa ramure.