La première chose que nous avons fait en arrivant à l’école de Sainte Croix en Quint, c’est visiter le pommier du 2 avril. Quelques bourgeons avaient débourré, il y avait même quelques feuilles vert tendre. Débourrer ça veut dire éclore. Et débuter le dressage d’un cheval. Celui de Juliette est débourré depuis longtemps, ses sabots ont déjà taquiné les sentiers abruptes du Vercors. Ils se préparent à la transhumance comme les ânes de Stéphane.
Débourrer c’est enlever la bourre, séparer les poils du cuir. Dans les cercles d’enfants de Sainte Croix et Vassieux, les enfants se sont mis à nu, ils ont ôté leurs peaux d’ours, dévoilant ce qui vibre sous leur peau en déclamant leur kasàlà. Et sous le regard des petits de la Chapelle en Vercors, nos cœurs étaient à vif, partageant les histoires, cueillant les pissenlits pour en faire des pinceaux, plongeant les feuilles de plantain dans l’encre bleue, imprimant les écorces-tampons. En partant, nos mains ressemblaient au tronc de l’eucalyptus arc en ciel.
Débourrer c’est aussi enlever ce qui obstrue un tuyau. On a débourré sec ces derniers mois avec l’équipe de Traverse, nettoyé mille conduits pour que les espaces de création puissent circuler au dedans comme au dehors. C’est le printemps, la route s’ouvre à nous, la rivière coule en liberté nourrie de la fonte des neiges printanières qui ont recouvert les plaines de Vassieux. Au loin, l’aventure nous appelle.
Sur la route du retour, dans nos têtes l’image de ce panneau créé pour un film : Vercors – Ici commence le pays de la liberté. Et tous les échanges avec Eric et Marie, autour de la carte pour dessiner nos chemins de transhumance. Le 3 juillet 1944, les résistant.e.s ont proclamé la république libre à Saint Martin en Vercors. Ils étaient 4000 à fêter le Vercors libre. C’est à Saint Martin que nous finirons notre transhumance poétique, autour du tilleul de 500 d’âges, accompagnés de l’équipe de Chemins à ciel ouvert, pour danser le passage de relais.